Histoire
Retour à la salle de presseUne famille au service de son pays : les Christensen
Le paysage tropical et luxuriant du Sud-Est du Queensland dut paraître profondément différent du pays natal de la jeune Ernestine Julianne Schwarz, 28 ans, quand elle arriva en Australie en avril 1886.
Née à Rendsburg, dans le Schleswig-Holstein, au nord de l’Allemagne, Ernestine épousa Poul Christensen, un migrant danois, un mois après être arrivée en Australie. Le couple s’installa dans une petite ville d’exploitation forestière : Tiaro dans le Queensland, où Poul travaillait comme menuisier.
En huit ans la famille a vu naître deux filles et trois fils. Après avoir quitté l’école, leurs fils Andreas (appelé Andrew), Poul (appelé Dan) et Victor commencèrent à travailler dans les industries agricoles et du sciage locales. Leur fille aînée, Victoria, quitta la maison pour se former en tant qu’infirmière à Brisbane. Elle travailla pendant cinq ans dans un Hôpital pour enfants et devint infirmière en chef.
Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, Victoria, 28 ans, fut la première à se porter volontaire, s’enrôlant dans le service infirmier de l’armée australienne. Elle fut parmi plus de 3000 infirmières australiennes qui s’engagèrent durant la guerre. Les soins infirmiers, alors une profession réservée aux femmes, leur offrait la possibilité de participer directement à l’effort de guerre. De nombreuses femmes y voyaient également la possibilité de se rapprocher des êtres aimés servant outre-mer.
La famille Christensen était très soudée. Dans les 12 mois qui suivirent, les trois fils s’étaient également enrôlés. L’aîné Andrew quitta l’Australie avec les renforts pour le 15e Bataillon. Il fut envoyé en France et en Belgique jusqu’à ce qu’il soit blessé à la jambe par l’explosion d’un obus, lors d’un combat en août 1917. Andrew fut évacué dans un hôpital anglais avant d’être rapatrié en Australie en décembre 1917. Pour le reste de sa vie, il eut un usage limité de sa jambe.
Le deuxième fils, Dan, vivait à Bundaberg avec Margaret, sa femme, qu’il avait épousée il y a tout juste deux mois, quand il quitta Brisbane avec Andrew en octobre 1916. Comme Andrew, il servait avec le 15e Bataillon, mais en tant que brancardier. La vie dans les tranchées sur le front occidental était dure : les hommes passant le plus clair de leur temps dans une boue froide et humide qui leur arrivait aux genoux. Dan souffrit de la fièvre des tranchées pendant une grande partie de 1917, mais continua à servir son unité jusqu’à la fin de la guerre. Il retourna dans sa famille dans le Queensland au milieu de l’année 1919.
Le cadet, Victor, s’enrôla en septembre 1915, seulement trois mois après Victoria. Grand aux cheveux clairs, Victor était à peine âgé de 20 ans et travaillait dans la scierie locale. Il se rendit en Égypte en mars 1916 pour s’entraîner pendant quelque temps avant de rejoindre le 42e Bataillon et embarquer pour le front occidental.
Victor fut constamment malade pendant tout son séjour outre-mer. Il fut hospitalisé plusieurs fois, étant atteint de pneumonie. Sa mère Ernestine s’enquit de son état en mars 1917 :
Il y a un peu plus d’un mois, j’ai reçu de vous un télégramme m’informant que mon fils, le caporal Victor Christensen, était gravement malade, frappé par une bronchite, une pneumonie… Depuis lors je n’ai eu aucune nouvelle. S’il vous plaît, pouvez-vous m’informer de son état ou me donner les raisons de ce silence ?
En juin, Victor était au front à Messines en Belgique. Peu avant l’aube, le 7 juin 1917, les alliés firent exploser 19 énormes mines sous les tranchées allemandes. Les explosions furent entendues à plusieurs kilomètres à la ronde. Les soldats anglais, australiens et néo-zélandais parvinrent à récupérer la zone. Quelques semaines plus tard, le 31 juillet, alors qu’il menait plusieurs attaques sur des casemates en béton près de Warneton, Victor fut tué.
La nouvelle de la mort de Victor fut annoncée chez lui à Queensland dans un journal local :
C’est avec beaucoup de regrets que nous venons d’apprendre la disparition du soldat Victor Christensen, tué au combat quelque part en France. Le soldat Christensen, natif de Tiaro, était bien connu et respecté par les habitants du quartier.
Victor et Victoria semblaient avoir une relation forte. En juin 1917, Victor avait nommé Victoria la bénéficiaire de ses effets personnels s’il venait à mourir. Un paquet lui fut plus tard envoyé à l’hôpital auxiliaire australien n° 2 à Southall en Angleterre. Parmi son contenu, on retrouva des photos, un miroir, une écharpe, une cagoule et des gants. En août, Victora écrivit à un ami : « Mon petit frère a été tué il y a juste un mois et je ne peux pas encore y croire. »
Victor n’a pas de sépulture connue, mais son nom est gravé sur le monument commémoratif de la Porte de Menin à Ypres en Belgique et sur la liste d’honneur du mémorial australien de la guerre à Canberra.