La route bordée de débris traverse Chateau Wood jusqu'à Westhoek Ridge, dans le secteur d'Ypres. Un soldat non identifié traverse la route entre deux avions d'atterrissage abandonnés et des piles de bois (AWM E01233).

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Posté le 31 juillet 2018

« Je suis mort en enfer (on l’appelait Passchendaele). Ma blessure était légère et je revenais en boitant, puis un obus a éclaté sur les caillebotis : je suis tombé dans la boue sans fond et les ténèbres m’avalèrent. »

Extrait de « Memorial Tablet » de Siegfried Sassoon, officier anglais et célèbre poète de la Première Guerre mondiale (aussi surnommé « Mad Jack » à cause de la bravoure suicidaire qui lui valut la Croix militaire).

La troisième bataille d’Ypres, plus connue sous le nom de Passchendaele, en référence au village détruit qui était l’objectif de l’offensive, désigne une série d’opérations qui se sont déroulées entre juillet et novembre 2017. Passchendaele est la deuxième plus grande bataille livrée par les forces alliées pendant la guerre. Elle implique des troupes australiennes, belges, britanniques, néo-zélandaises, sud-africaines, indiennes et canadiennes.

Son objectif est de nettoyer la côte belge et de forcer les Allemands à se retirer du nord du front occidental. À Passchendaele, les Australiens participent à de nombreuses offensives, dont celles de la route de Menin, du bois du Polygone, de l’arête de Broodseinde ou de Poelcappelle.

Les réserves australiennes se dirigent vers la ligne de front et les mulets remontent la piste qui mène d'Idiot Corner à Westhoek Ridge, dans le secteur d'Ypres (AWM E01215).

Au début de la bataille, le 16 juillet, les Alliés tentent d’anéantir les défenses allemandes avec des bombes, avant l’assaut de l’infanterie. En 15 jours, plus de 4 millions d’obus s’abattent sur les Allemands, sans parler du volume considérable tiré par la 6° armée française. L’infanterie attaque avec un tir de barrage rampant et des tanks. Elle réussit à prendre plusieurs objectifs, mais elle paie un lourd tribut ; le premier jour, l’attaque provoque la mort de 27 000 hommes.

L’image classique de Passchendaele est celle d’un paysage lunaire jalonné de cratères d’obus creusés dans la boue. La détresse des humains essayant de se battre et de survivre dans cet immense bourbier marque l’imaginaire collectif. Des hommes et des animaux se noient dans plus d’un mètre de boue à certains endroits. Le mauvais temps empêche l’infanterie d’avancer et affecte grandement la précision et l’efficacité du tir de barrage allié.

La boue et la neige fondue dans tout le secteur d'Ypres gardaient les pieds des troupes dans un état d'humidité continu et faisaient que la plainte des «pieds de tranchées» devenait assez générale. Les membres du 40e Bataillon de la 10e brigade d'infanterie australienne profitent d'un repos à Dragoon Farm, près d'Ypres, après la bataille de la crête de Passchendaele, pour se baigner et se lubrifier les pieds pour les protéger et les soulager (AWM E00942).

Le sol visqueux ne permet pas de stabiliser les canons, ce qui empêche les artilleurs de tirer avec précision. Le terrain détrempé annihile également la puissance des obus. Beaucoup d’entre eux avortent dans la vase ou voient leur souffle absorbé par la boue. Conscient de l’importance du soutien de l’artillerie pour l’infanterie, le soldat Bertram Stokes, du 3e régiment d’artillerie de campagne néo-zélandais, exprime ainsi son angoisse :

« Les munitions étaient sales et devaient être nettoyées…. nous avons commencé à tirer et, à chaque coup de feu, le canon s’enfonçait dans la boue…. Beaucoup d’hommes revenaient blessés… ils répétaient tous la même histoire : des tranchées remplies d’eau, des hommes enlisés dans la boue, des barbelés non coupés car notre puissance de feu n’était pas optimale, mais aussi des obus qui s’enfonçaient dans la boue, sans exploser. »

 

Vue de la partie restante d'un mur de la Halle aux draps en ruine à Ypres (AWM E01230).
Un soldat non identifié se cache derrière un tronc d'arbre abîmé à l'entrée du champ de bataille d'Ypres à travers Chateau Wood, dans le saillant d'Ypres (AWM E01237).

Chaque fois que l’artillerie tire sur un sol dur, les résultats sont meilleurs. Le lieutenant Cyril Lawrence, de la 1re compagnie d’ingénieurs de campagne australiens, a pu le constater : « Un homme est debout sur une casemate – un obus éclate à proximité et il vole à sept mètres de haut et retombe comme une pierre. » En octobre, les Alliés subissent un coup sévère avec l’anéantissement quasi complet de leur allié italien par les forces austro-hongroises et allemandes à la bataille de Caporetto. Les Italiens perdent 600 000 hommes (10 000 morts, 30 000 blessés, 280 000 prisonniers et 350 000 désertions). La déroute italienne contraint les Britanniques et les Français à prélever des soldats sur le front occidental pour renforcer l’armée italienne. De ce fait, les efforts déployés le même mois pour déloger les Allemands de Passchendaele n’ont qu’un succès limité.

Au final, le 6 novembre, l’infanterie canadienne entre dans le village de Passchendaele et chasse les Allemands après un combat acharné. Les Canadiens font de nombreux prisonniers. Les troupes britanniques et canadiennes attaquent de nouveau le 10 novembre et parviennent à consolider leurs positions. Passchendaele coûte 275 000 hommes aux Alliés ; ils perdront tous leurs gains au court d’une offensive allemande l’année suivante.

Portrait de groupe de dix conducteurs non identifiés de la 102ème batterie d'obusier australien en Flandre avec un de leurs chevaux (AWM C00839).

Passchendaele a renforcé la réputation que le corps d’armée australien et néo-zélandais (ANZAC) avait acquise au début de la guerre. Les élite militaires et politiques britanniques reconnaissent les prouesses de l’ANZAC. Après le conflit, David Lloyd George, Premier ministre britannique durant la guerre, fait part de son admiration pour l’ANZAC et les troupes d’autres dominions de l’Empire.

« À l’été 1916, ils arrivent en France et, en juillet, ils combattent dans la Somme. Par la suite, comme les Canadiens, ils ont le triste privilège de monter en première ligne dans les zones où les combats sont les plus féroces. Ils se battent comme des lions à la bataille de Messines en juin 1917, et en septembre, ils sont jetés dans la boue de Passchendaele. »

 

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