Histoire
Retour à la salle de presseLes terres dévastées
Pendant quatre longues années, la région Flanders Fields en Belgique a été un lieu de carnage sans précédent. Lorsque la paix fut finalement rétablie le 11 novembre 1918, il ne restait pratiquement rien du paysage d’origine. La région a été par la suite nommée Verwoeste Gewesten, c’est-à-dire les Terres dévastées.
Le gouvernement d’après-guerre a accordé un statut particulier à ces « Terres dévastées ». Deux plans d’action ont été rapidement élaborés et mis en œuvre.
Le premier était de récupérer, d’identifier (si possible) et d’enterrer les corps des soldats morts sur le front. Plusieurs d’entre ceux-ci étaient restés non enterrés pendant des années et leurs identités avaient été perdues. D’autres ont été enterrés dans des tombes temporaires ; ils ont été exhumés et mis dans des cimetières permanents.
La deuxième tâche consistait à nettoyer, à niveler et à rétablir le sol dévasté qui était recouvert de tranchées, de trous d’obus, de barbelés et de cratères. Les munitions étaient recueillies et sécurisées dans la mesure du possible. Le Corps des travailleurs chinois de l’armée britannique a joué un rôle clé dans le nettoyage. Au départ, ils ont creusé des tranchées et des latrines et ont apporté d’autres types de soutien aux soldats combattants, puis ils sont restés en Flandre après 1918 pour aider à nettoyer la zone de guerre. Ils ne sont repartis en Chine qu’à partir de 1920.
Lorsque les zones ont été déclarées sûres, les civils ont été autorisés à occuper à nouveau la zone de guerre. Mais on leur avait dit de s’attendre au pire. La grande majorité des civils sont rentrés chez eux. Un plus petit nombre (en particulier les agriculteurs flamands qui s’étaient réfugiés en France) sont restés dans leurs pays d’adoption pour y construire de nouvelles vies.
Beaucoup ont plutôt fait face au pire des scénarios. Beaucoup sont revenus et ont constaté que les bâtiments et lieux qu’ils connaissaient et qu’ils avaient toujours habités avaient disparu. Un homme originaire d’Ypres n’arrivait à voir aucune trace de sa ferme jusqu’à ce qu’il retrouve un robinet sur une conduite d’eau souterraine qu’il avait installée en 1914. C’était tout ce qui restait de sa propriété.
Pendant le nettoyage et la reconstruction, de nombreux civils ont été hébergés dans des logements temporaires. Des huttes et hangars rudimentaires étaient construits et certains civils occupaient les huttes abandonnées qui servaient de casernes temporaires aux soldats pendant la guerre.
Bâtiments, maisons et monuments ont été progressivement reconstruits les uns après les autres. À partir de juillet 1919, une subvention fut offerte à ceux qui voulaient retourner à Ypres et dans la région environnante en ruines du Saillant d’Ypres. La subvention a permis de couvrir les coûts de construction de logements de base. Une indemnisation des dommages de guerre a également été offerte pour aider les civils à reconstruire sur leurs anciennes propriétés.
Un problème majeur lors de la ré-habitation de la zone était le manque d’accès à l’eau potable. La rivière Ijzer et les deux lacs dont Ypres tirait son eau étaient totalement contaminés et impropres à la consommation. Les brasseries locales ont trouvé une solution à ce problème en forant des trous profonds et en pompant de l’eau propre, une technique qu’ils ont utilisée pour leurs propres processus de brassage.
L’utilisation intensive de chlore, de phosgène et de gaz moutarde dans la région avait tout détruit sur son passage. Le ministère belge de l’Agriculture a fourni de nouvelles semences et plantes, pendant que les agriculteurs néerlandais ont fait don de bétail, de chevaux et même de poulets. Lentement mais sûrement, une nouvelle vie commençait sur les terres dévastées.
Pour les civils et les travailleurs qui sont revenus dans la région, ce n’était pas sans danger. Selon les estimations, un quart du milliard de projectiles tirés pendant la Première Guerre mondiale n’ont pas explosé et sont restés actifs. Les ouvriers agricoles étaient fréquemment mutilés ou tués par des munitions non explosées. Il s’était rapidement avéré que l’opération initiale de nettoyage avait été trop superficielle.
Certains ont utilisé la situation à leur avantage et ont même fait fortune en recueillant et en vendant des objets de guerre ou en effectuant le service de « creusage en profondeur » où ils creusaient complètement la terre, retiraient tous les obus et la déclaraient propre. Mais ces deux types d’activité étaient extrêmement dangereux.
De façon incroyable, la période connue sous le nom de « Période de reconstruction » des Verwoeste Gewesten a duré jusqu’en 1967, lorsque l’annexe finale de la Halle aux Draps à Ypres a été achevée.
Les effets de la Première Guerre mondiale se font toujours sentir aujourd’hui et, chaque année, des tonnes de bombes rouillées, de grenades, de mortiers et d’obus sont déterrées. Les habitants locaux l’appellent les « Moissons de fer ».