Histoire

Retour à la salle de presse

La bataille de Villers-Bretonneux

Quatre soldats non identifiés inspectent les ruines de Villers-Bretonneux (AWM E02193).

Actualités

Posté le 24 avril 2018

« Peut-être le plus haut fait d’armes individuel de la guerre – la contre-attaque nocturne réussie sur un terrain inconnu et difficile, en moins d’une heure, par les soldats australiens »

Brigadier-Général George Grogan, 23ème brigade britannique

En mars 1918, une offensive allemande de grande ampleur balaye le nord de la France ; pendant un temps, les troupes allemandes semblent être sur le point d’atteindre les côtes de la Manche. Le Corps d’armée australien, dont la majorité de l’infanterie était concentrée dans la zone de Messines, en Flandres, est épargné par les sanglants combats du début de l’offensive mais est rapidement envoyé au sud pour combler les brèches dans la ligne britannique qui se désagrège.

 

 

Fin mars et début avril, les soldats de la Force Impériale australienne (AIF) prennent part à une série de batailles défensives difficiles, à Hébuterne, Dernancourt, Morlancourt, Villers-Bretonneux, Hazebrouck et au bois d’Hangard, qui sont aujourd’hui largement oubliées. Un seul nom se détache de cette liste. Villers-Bretonneux est le théâtre de combats les 4 et 5 avril, lorsque les troupes australiennes et britanniques repoussent une attaque allemande déterminée.

 

Trois semaines plus tard, les unités britanniques tenaient la ville tandis que les 8e et 14e brigades de la 5e division australienne occupaient une ligne allant de Villers-Bretonneux vers le nord jusqu’à la Somme. La 15e brigade du brigadier Harold « Pompey » Elliott était en réserve. Le 24 avril, les Allemands tentèrent une seconde fois d’attaquer Villers-Bretonneux. Avec le nœud de transport britannique vital d’Amiens situé à moins de 20 kilomètres, la ville représentait un enjeu important. De là, Amiens pouvait être soumise au feu de l’artillerie et, si l’avancée allemande se poursuivait, être prise par l’infanterie.

Portrait du Brigadier Général Harold Edward 'Pompey' Elliott CB CMG DSO DCM. AWM A02607
Portrait du Brigadier Général Harold Edward 'Pompey' Elliott CB CMG DSO DCM - AWM A02607

Les Allemands frappèrent à l’aube avec du gaz, de l’artillerie, de l’infanterie et des chars – la première fois que les Allemands utilisaient pareille arme pour soutenir une attaque. Face à eux se trouvent, selon les termes de l’officier supérieur britannique Sir Henry Rawlinson, « de jeunes hommes … sous le feu de l’ennemi pour la première fois, », ébranlés par le bombardement et fébriles à la vue des tanks émergeant de la brume du matin. Villers-Bretonneux tombe très vite aux mains des Allemands.

Aucune contre-attaque britannique ne réussit à les déloger et, alors que le jour avance, la situation devient de plus en plus désastreuse. Dans l’après-midi, Rawlinson insiste : « nous devons la reprendre quoi qu’il arrive ». Elliott, en tant que commandant australien le plus haut gradé dans la zone, prit la décision de contre-attaquer dès que possible, mais les heures passèrent et les tentatives britanniques de redresser la situation échouèrent. Pendant ce temps, les Allemands renforçaient leurs positions nouvellement gagnées et progressaient au-delà de la ville.

Une tentative de prise de Cachy, à 4 kilomètres de Villers-Bretonneux, a donné lieu à la première bataille de chars d’assaut de l’histoire. Les blindés britanniques l’emportent, mettant en déroute l’infanterie allemande qui ne parvient pas à atteindre son objectif.

 

Trois chars Whippet britanniques circulant sur une route à Villers-Bretonneux. AWM A03968
Trois chars Whippet britanniques circulant sur une route à Villers-Bretonneux - AWM A03968
Portrait du Major Général Thomas William Glasgow par l'artiste officiel de guerre James Quinn, 1918. AWM ART03341
Portrait du Major Général Thomas William Glasgow par l'artiste officiel de guerre James Quinn, 1918 - AWM ART03341

L’avance allemande étant stoppée, Rawlinson planifia son assaut sur Villers-Bretonneux. Il décida d’utiliser la 15e brigade d’Elliott et, dans un délai très court, la 13e brigade de William Glasgow de la 4e division australienne. Les hommes de Glasgow marchèrent 13 kilomètres depuis leurs cantonnements au nord de la Somme au cours de l’après-midi, rejoignant la 15e brigade à l’extérieur de Villers-Bretonneux pendant que les officiers planifiaient leur assaut. La 13e brigade avance par le sud, la 15e par le nord. Elles prévoient de se rejoindre à proximité de Monument Wood. D’autres éléments de la 14e division britannique suivaient les Australiens, engageant les Allemands pris en tenaille.

 

Ce fut un pari risqué. L’infanterie devait effectuer une série de manœuvres complexes, avancer et s’aligner dans l’obscurité. La 13e brigade devait le faire sans le soutien de l’artillerie, sur un terrain inconnu coupé par une ceinture de fils barbelés. Personne ne savait exactement où se trouvaient les positions allemandes. Le correspondant officiel australien, Charles Bean, qui fut témoin de presque toutes les actions majeures de l’AIF sur le front occidental, réfléchit à ce que la 13e brigade essayait de réaliser et le nota dans son journal : « Je ne crois pas qu’ils aient la moindre chance… Je ne pense pas que cela puisse aboutir. » Au nord, un vétéran du 59e bataillon de la 15e brigade considère qu’il s’agit d’une  » mission presque impossible « . Beaucoup d’autres partagent son inquiétude.

La 13e brigade commença son attaque à 22h00 et fut rapidement bloquée par des tirs de mitrailleuses provenant des bois avoisinants qu’elle croyait dégagés. Le lieutenant Cliff Sadlier et le sergent Charlie Stokes menèrent un groupe dans les arbres pour les affronter, une action pour laquelle Stokes reçut la Distinguished Conduct Medal (médaille de conduite distinguée) et Sadlier la Victoria Cross (croix de Victoria). L’attaque se poursuivit aux abords de la ville.  Une partie de la brigade était sur le point d’atteindre son objectif final, mais ne voyait aucun signe de la 15e brigade.  Les officiers survivants décidèrent de se replier et de consolider une position au sud du centre-ville.

 

L’attaque d’Elliott fut retardée de deux heures.  Pendant qu’ils attendaient, il s’assura que les hommes destinés à l’assaut buvaient du thé chaud et, comme se souvient un soldat,  » beaucoup de ragoût chaud, autant que nous pouvions nous en mettre dans le ventre « . David Whinfield, ancien instituteur et alors brancardier au 60e bataillon, écrit :

« Depuis 10 heures hier soir, nous sommes prêts à partir en soutien et maintenant nous devons contre-attaquer pour regagner le terrain perdu par les Tommies ce matin… C’est un moment terrible… Les nerfs sont mis à rude épreuve… c’est trop dur pour de simples mortels… ». 

Des enfants français s'occupant de tombes au cimetière d'Australie d'Adélaïde tués au combat sur le front occidental (AWM E05925).

La 15e brigade attaqua à minuit. Alors qu’ils se dirigeaient vers la ligne de départ, un témoin s’est souvenu qu’ils  » tiraient sur la laisse et s’efforçaient de la tenir « . Beaucoup réalisaient que quelques heures plus tard, ce serait le troisième anniversaire du débarquement de l’Anzac à Gallipoli. Ils étaient impatients de se montrer à la hauteur de l’événement. Alors qu’elles avançaient, les troupes avancées du 59e bataillon essuyèrent des tirs de mitrailleuses. Ils reçurent l’ordre de charger.

La tension de la longue journée retomba ; les Australiens s’élancèrent en avant dans un grondement terrifiant qui se propagea le long de la ligne. Les Allemands étaient submergés, les Australiens avançaient sous les tirs de mitrailleuses et d’armes légères, s’enfonçant profondément dans le territoire ennemi. Ce fut, selon Pompey Elliott,  » un combat de soldats  » décidé par le courage des officiers subalternes et de leurs hommes d’infanterie.  Incapables de trouver la 13e de l’autre côté de Villers-Bretonneux, les officiers de la 15e brigade arrêtèrent leur avancée sur la route de Le Hamel.

David Whinfield a survécu au combat et s’est distingué le moment venu. Pour sa « bravoure et son indifférence totale à l’égard de sa sécurité personnelle … continuant à secourir, panser et transporter les blessés vers les postes de secours … malgré l’intensité des tirs de barrage de l’artillerie et des mitrailleuses ennemies », Whinfield a reçu la Military Medal (Médaille militaire).

Vue de l'église en ruine de Villers-Bretonneux. AWM E02157
Vue de l'église en ruine de Villers-Bretonneux - AWM E02157

Les Australiens n’avaient pas été en mesure de se rejoindre, mais à l’aube de l’Anzac Day, il était clair qu’ils avaient remporté un succès considérable. Alors que le soleil se levait, des éléments du 57e bataillon commencèrent à se diriger vers Villers-Bretonneux depuis le nord-est, éliminant les Allemands de la ville et faisant des dizaines de prisonniers aux troupes britanniques qui commençaient alors à avancer. Les brèches entre les positions australiennes à l’extérieur de la ville furent comblées et, le 27 avril, le 60e bataillon mena une action difficile et coûteuse pour redresser la ligne. Une contre-attaque allemande fut brisée avant même d’avoir pu commencer, et le front se stabilisa.

 

À Villers-Bretonneux, les Allemands ont perdu une position importante, mettant un terme à ce qu’un historien appellera « la dangereuse poussée vers Amiens ». Le général Monash écrira une semaine plus tard qu’il considère l’attaque comme « l’un des plus hauts faits d’armes jamais accomplis par les Australiens ou toute autre troupe pendant la guerre ». Il en aura coûté à la 13e brigade 1009 morts et blessés et 455 à la 15e. Cela restera l’une des actions les plus connues menées par les troupes de l’AIF. Après Villers-Bretonneux, les divisions allemandes sur le front de la Somme adoptent des positions défensives et ne reprennent jamais plus l’initiative.

 

 

Site by Swell Design Group