Histoire
Retour à la salle de presseAussie : Le Magazine des soldats australiens
La vie dans les tranchées est une des facettes éprouvantes de la Première Guerre mondiale. Les soldats, confrontés à l’attente du prochain assaut, cherchent à occuper leur temps et leur esprit. Une de ces occupations était la lecture de la presse de tranchée.
Les journaux de tranchées étaient une presse rédigée, publiée et diffusée par les soldats eux-mêmes. Ils rapportent, chacun à leur manière, des éléments de la vie quotidienne au front, proposant une vision plus brute et authentique du conflit aux lecteurs, et créant ainsi un décalage avec la presse de l’arrière, davantage censurée.
Les journaux de tranchées proliféraient dans les tranchées alliées, proposant des contenus variés, d’histoires amusantes, parfois émouvantes ou plus artistiques, de poèmes ou de dessins dépeignant le quotidien des soldats. Surtout, ces journaux leur permettaient l’espace d’un instant d’oublier les combats. On répertorie aujourd’hui plus de 400 journaux de tranchées français publiés lors de la Grande Guerre, avec des titres comme L’écho du Boyau ou le Ver Luisant, et près d’une centaine de journaux de tranchée britanniques.
Les soldats de la force impériale australienne avaient également leurs propres journaux de tranchée, comme Aussie : The Australian Soldiers’ Magazine (Aussie : le magazine des soldats australiens). Réalisé sous la rédaction du lieutenant Philipp Lawrence Harris, ancien journaliste, le journal est publié chaque mois à partir de janvier 1918, d’abord à 10 000 exemplaires, puis rapidement tiré à 100 000 exemplaires.
Ce magazine journal invite les soldats à lui donner vie par leurs contributions : histoires, anecdotes amusantes, poèmes et illustrations.
« Aussie vous appartient, les gars, et c’est à vous de le rendre joyeux, attrayant et digne d’être connu. Nourrissez-le de bonnes histoires, de fines plaisanteries et d’un humour vif.
Aussie veut connaître l’esprit de la force impériale australienne. Et cela ne peut être donné que par vous, dans votre propre langue et à votre manière.Ce fameux incident de tranchée que vous connaissez, cette histoire intéressante, cette blague futée, cette épigramme brillante – envoyez-les nous. Ne gardez pas pour vous une bonne blague australienne. Faites en sorte que tout le monde en rie, et racontez-la à Aussie. Ne vous préoccupez pas du style littéraire, notez-la et envoyez-la. Le rédacteur en chef ne manquera pas de la mettre en forme, c’est son travail.
Alors, Australiens, rassemblons-nous et faisons d’Aussie une lumière brillante dans l’atmosphère sombre de ces mois d’hiver moroses – un conteur joyeux, un bon humoriste, un esprit fin, un cobber qui vaut la peine d’être connu. Bref, faites-en un Aussie authentique ».
Voici quelques exemples de publications :
« Sardines »
Je les avais accumulées pendant un certain temps dans l’intérêt de l’économie de guerre, jusqu’à ce que la faim prenne le dessus. La garde du matin ouvrait l’appétit, et pourquoi pas des sardines ? Je les ai donc remises à l’aide-cuisinier pour qu’il les mette dans son four, et je me suis retiré dans ma tranchée pour rêver de sardines, chaudes et huileuses, succulentes et appétissantes.
Soudain, mon rêve fut interrompu. Une violente explosion se produisit à l’extérieur. Elle fut suivie d’un fracas métallique et d’un concert de jurons dans lesquels je reconnus les voix du cuisinier et de son assistant. Je pense alors à des bombes et à des canons de 5,9 pouces. L’aide-cuisinier apparut alors, tenant à la main un petit morceau de métal. Je m’attendais à entendre à nouveau l’histoire du « ma tête a été manquée de peu » ou du « j’ai fait un trou dans ma tunique ». Mais il y avait dans son attitude quelque chose d’apologétique.
Il a dit : « J’ai fait sauter le fourneau ». « J’ai oublié de faire un trou dans la boîte de conserve ! »
P. D. PHILLIPS. –Aussie n°1 – Janvier 1918
« La Crête du Polygone »
Je suis couché sur la crête et la lune est basse
Et je sais qu’à l’ouest
Les maisons tranquilles que nous protégeons de l’ennemi,
Bien que seuls nos morts soient bénis.
Les pensées violentes se bousculent sur mon front en sueur
Mais je rêve de toi, ma chère, au repos.
Je rêve que tu es venue dans un rayon silencieux,
Jusqu’à ce que tu te tiennes debout dans un vêtement blanc,
Et j’entends ta voix dans le tumulte prier.
Mais je ne peux pas suivre ton chemin céleste,
Pour ceux qui sont morts cette nuit.
Car seuls les fidèles peuvent le faire,
Le matin me trouve encore sur cette crête de l’enfer,
où les gars tiennent bon,
Avec les morts et les mourants là où ils sont tombés
Et les blessés qui passent en rampant.
Et le grondement des canons est le seul glas
Pour ceux qui ont rendu leur dernier souffle.
Mes os peuvent blanchir là où nous tenons bon,
Ou enterrés dans la terre belge,
Mais le long du chemin où je t’ai vu te tenir
Mon esprit errera toujours…
Ce chemin dans un pays boueux et gorgé de sang,
Si loin de mon foyer ensoleillé.
DARCY V. MEEK. – Aussie n°1 – Janvier 1918
Aussie a continué d’être publié après l’Armistice, à l’heure de la démobilisation.
Il a également poursuivi sa publication en Australie jusqu’en décembre 1931, sous le nom d’Aussie : the Cheerful Monthly (Aussie, le mensuel joyeux), cette fois « en vêtements civils ».